Revue d'Histoire Locale

EDITORIAL

Hommage à l'abbé Louis de la Bouillerie, figure emblématique de l'Histoire du Baugeois

L'abbé de La Bouillerie a quitté notre monde, juste après avoir "bouclé" son N° 33 de "A cor et à cris". Un à deux jours après, ce même numéro arrivait dans nos boîtes aux lettres, prenant ainsi une dimension bien particulière. D'autant que dans cette chronique personnelle de l'année 2000, l'abbé ne cachait pas que la vieillesse, la maladie étaient en train de le séparer irrémédiablement de ses amis. Citons en particulier cet encart bien émouvant qui termine le numéro

"Joie d'avoir partagé les petites richesses de 33 ans la dernière fois peut-être? Joie d'avoir, une fois encore éclairé les mystères d'un jour, d'un mois, d'une année 2000. Sévère parfois, réaliste toujours dans une fois simplifiée. Je termine mes semailles de braises du fond de l'hôpital, je ne serai bientôt plus qu'une écriture."

Les Cahiers du Baugeois se devaient de consacrer une place particulière à Louis de la Bouillerie pour de nombreuses raisons. Il fallait faire vite ; les personnes sollicitées n'ont pas toutes pu nous donner à temps le témoignage qu'elles souhaitaient communiquer. Mais, parution trimestrielle oblige, il fallait publier. Aussi, nos pages restent-elles ouvertes dans les prochains numéros.

En attendant, nous tenons à remercier très amicalement les auteurs qui ont pu répondre à notre appel et rédiger un mot de témoignage, d'autant plus vif et chaleureux que peu de temps a passé. Merci donc à Jean Sauvage, Président honoraire du Conseil Général de Maine et Loire, Christian Martin, Député de Maine et Loire, Maire de Lué en Baugeois et Président du Comité d'Expansion du Baugeois, Gérard Nicolas, Sénateur suppléant, Maire honoraire de la Ménitré et Président de l'Assemblée des Coiffes, Paul de La Perraudière et Yvon Péan écrivain. Merci aussi à Didier Sallé qui a pu très rapidement rédiger une notice avec l'appui bienveillant de la famille.

Notre gratitude va aussi à Madame Michèle Taillandier, de l'A.D.F.A. qui a bien voulu nous communiquer l'enregistrement de la conférence donnée par l'abbé à La Roche Hue, le 21 octobre 2000.

En effet, cet après-midi-là, invité par cette association de généalogistes, je participais à cette riche manifestation. Dans les salons du château, se pressaient un nombre important d'invités, adhérents de l'association, férus de généalogie, passionnés d'architecture, guidés par le non moins passionné et passionnant René Combres. Quelques stands présentaient des activités associatives en lien avec le thème de la journée. Je fus très heureux de revoir l'abbé qui, affaibli, aidé de sa jeune nièce, présentait sur une table quelques uns de ses livres, principalement le plus récent alors : "Les Noëls du Père Brideloup". D'emblée, il remercia le Cahiers du Baugeois pour avoir été les premiers à évoquer son livre, en en publiant un des contes, ce qui valut à l'ouvrage un titre, quelques phrases et un dessin de l'abbé par Martin Lersch dans le Courrier de l'Ouest. Il me fit part de ses défaillances qui se multipliaient, la veille encore avec des jeunes sur le parvis de la Cathédrale d'Angers.

Il était le premier des quatre conférenciers prévus cet après-midi. L'heure étant venue, je m'installais dans le salon où devait se tenir la conférence, le public, nombreux, tardant à faire silence. Ressourcé, sans doute, par l'idée de communiquer sur l'histoire familiale, heureux de retrouver cette demeure qui représentait tant de souvenirs vécus et entendus, l'abbé, dont la fatigue n'était cependant pas complètement estompée, fit tout de même preuve d'un dynamisme étonnant. Ce fut une des rares fois où l'on put l'entendre parler en public, aussi précisément, de sa famille et plus précisément de ceux qui suivirent François, le trésorier de la Grande Armée. Le texte, bien travaillé, comme à son habitude, laisse une large place aux souvenirs vécus ou transmis. Le ton mis à évoquer, les remarques, au détour de phrases soigneusement ciselées, l'abbé était bien là ! Celui-ci, profondément attaché à sa famille, voulait souligner la place qu'avait pu tenir le "service" pour quatre générations.

C'était l'occasion de marquer son penchant pour Henry, le Sous-Péfet polytechnicien, devenu promoteur de l'agriculture moderne et de la coopération. Pas de doute, ce choix répété, par quatre génération, de revenir et de rester à la terre, à Breil, c'est toute sa fierté de l'abbé. Il se voulait, à sa façon, héritier de cette simplicité et de cette authenticité. A côté de l'évocation de cette continuité familiale appartenant à l'aristocratie royaliste légitimiste, il évoqua avec une certaine émotion ce qui en demeure l'honneur : Frohsdorf et la fidélité au Comte de Chambord et au drapeau blanc.

Tout au long de son évocation, l'abbé se montra comme le sociologue qu'il savait être, particulièrement vis à vis de son "milieu" : la transcription et les points de suspension rendent très peu compte de ses variations de ton de sa gentille ironie, accompagnant certaines remarques, à propos de ses ancêtres, et de ce qui constituait alors "l'ordre établi", aujourd'hui bousculée

C'est d'ailleurs toute la difficulté pour qui avait eu l'occasion d'échanger avec l'abbé sur l'avenir du Baugeois, sur les églises vides, sur les difficultés de l'agriculture. Regrettant l'époque d'une population plus nombreuse, plus paysanne, tout en restant a posteriori, toujours révolté par la grande pauvreté de ces familles qu'il connaissait bien, il nous semblait plus appartenir au 19° siècle qu'au 20°. Mais par ailleurs, en lisant chaque année "A cor et à cris", en l'écoutant sur les églises romanes du Baugeois, sur l'évolution sociologique de nos villages, sur la nécessité d'accueillir les visiteurs, il devenait visionnaire, faisant une croix sur un passé révolu et semblait tout à fait embrasser ce monde laïc et démocratique.

Ce samedi 21 octobre, la conférence finie, ce fut le tour de Bernard Mayaud d'évoquer les Domaigné de la Roche Hue, prédécesseurs des La Bouillerie en ces lieux. A l'issue de ces deux conférences, je demandai à chacun l'autorisation de publier son texte dans les Cahiers du Baugeois. L'abbé n'eut pas le temps de m'adresser son texte. Heureusement Monsieur et Madame Taillandier avaient eu la très bonne idée d'enregistrer. C'est donc la dernière conférence de Louis de La Bouillerie, témoignage historique poignant à plus d'un titre, qui tient donc une place principale dans ce numéro. Bien entendu, nous nous sommes empressés d'associer le texte de la conférence de Bernard Mayaud, fidèle ami de la revue, traitant de la Roche Hue si chère à l'abbé, et, qui plus est, appartient à la famille.

Les Cahiers du Baugeois tiennent bien sûr tout particulièrement à saluer celui tenait une si grande place dans l'histoire locale. Nous rendons particulièrement hommage à l'authentique écrivain et à l'animateur du patrimoine Baugeois, Si, il y a une dizaine d'années, c'est vrai, l'abbé nous regardait un peu comme des intrus, très vite des points communs se sont faits jours : nous étions, lui et nous attachés, pour des raisons différentes, mais avec une force semblable, à nos petits villages, à leurs habitants, à leur patrimoine. Très vite nous nous sommes reconnus, nous avons échangé régulièrement, nous sommes rentrés dans le cercle des destinataires de "A cor et à cris". Nous sommes particulièrement fiers d'avoir pu bénéficier de sa contribution dans un numéro spécial dont André-Jean Girault, son ami, était l'initiateur. A cette occasion, il avait rédigé au brouillon une partie des commentaires qu'il faisait lors des circuits des églises dans le Baugeois. La force de son écriture, les traits fulgurants de sa pensée sont bien dans ces lignes et dans les ratures. Nous avons voulu les reproduire, tellement elles sont significatives de la force avec laquelle l'abbé de La Bouillerie a mené sa croisade en faveur des "églises accueillantes".

A sa famille nous présentons nos condoléances et notre témoignage de profonde sympathie, nous faisant ainsi l'écho de tous les lecteurs qui l'ont connu.

Marc BERARDI